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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

XV

UNE NUIT DANS L’ENFER

Trois jours se sont écoulés depuis les derniers événements. Il est minuit. La prodigieuse forge travaille comme en plein midi. Par quelle habitude, par quelle rapide éducation des sens, des êtres humains peuvent-ils dormir au centre du retentissement formidable de ce labeur de géants ?

Pourtant, dans ces casernes immenses d’ouvriers et de prisonniers, nommées Arbeiterheime, les équipes de jour reposent, épuisées. Il est probable toutefois que Rouletabille et La Candeur disposent encore de quelques forces de réserve car, au lieu de remonter dans leur dortoir à l’heure exigée par les règlements, ils s’attardent à bavarder dans un coin désert de la cantine où de solides pourboires glissés dans la main du feldwebel et une importante rémunération accordée à la mère Klupfel leur assure, pour quelques heures, une sécurité à peu près absolue.

La cantine Klupfel ne ferme ni jour ni nuit, depuis la guerre, à cause du mouvement jamais interrompu des travailleurs qui partent pour les ateliers ou qui en reviennent. À l’ordinaire, il faut voir avec quel entrain fraulein Emma et fraulein Ida servent les moss de Munich, les « délicatessen » et le pain K. K. aux ouvriers et aux soldats qui viennent s’asseoir aux tables longues et poisseuses de la grande salle.

Cette grande salle donne sur plusieurs autres petites pièces qui sont réservées aux sous-officiers, à la famille Klupfel ou à certains soupers particuliers. L’une d’elles