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ROULETABILLE S’ORIENTE

Il se donna trois jours pour se renseigner là-dessus.

Après cette résolution, la fatigue sembla un instant le dominer. Un demi-sommeil le gagna et il laissa tomber sur le plancher sa pipe éteinte. Le bruit qu’elle fit en tombant le réveilla tout à fait. Il eut honte de lui-même, se jeta à bas de sa couche, se baissa pour ramasser sa pipe et, tout à coup, resta en arrêt devant un objet extraordinaire dont la vue avait failli lui arracher une exclamation de joie.

Sous le lit, à côté du sien, il y avait un soulier ! un énorme soulier ! Il y en avait même deux, l’autre étant caché par celui qu’il voyait ! Et ce soulier suffisait au bonheur de Rouletabille ! Ah ! la belle chaussure ! il la reconnaissait !… le beau cuir !… et soigné ! et brillant, reluisant, magnifique ! et il y en avait !… Certainement le propriétaire de ce soulier-là devait chausser quelque chose comme du 47 ! et encore !…

Le cœur battant, Rouletabille allongea une main tremblante sous le lit numéro 8 et ramena un soulier d’abord, puis l’autre… Quelque temps, il considéra cette énorme paire de « ribouis » sans pouvoir retenir des petits soupirs de satisfaction. « C’est lui ! se disait-il, ce ne peut-être que lui qui se promène ici dans d’aussi superbes godillots ! »

Le reporter ne pouvait plus douter que le destin favorable l’eût fait compagnon de chambrée de La Candeur ! Certes, Rouletabille avait un peu aidé la fortune par ses combinaisons, et il était tout à fait normal que les Boches réunissent dans un même groupe les prisonniers militaires qui travaillaient dans un même atelier ; cependant les imaginations les plus parfaites ne sont point toujours récompensées par une réalisation aussi mathématique ! et le cœur du jeune homme en fut tout réchauffé, il eut confiance en un prochain avenir.

Il était midi et demi environ, quand il y eut dans le couloir un grand remue-ménage. C’étaient les ouvriers prisonniers qui rentraient. Ce jour du dimanche, les au-