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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

torités leur accordaient tout l’après-midi pour se délasser, se promener dans leur préau ou écrire. Ils pouvaient même jouer aux dominos et aux dames dans la salle commune.

Quand l’équipe de son dortoir fit irruption dans la pièce, Rouletabille était étendu sur son lit, les yeux grands ouverts.

Huit prisonniers défilèrent devant lui, le saluant d’un bonjour amical tout en retirant leurs vêtements de travail. Les uns s’en furent au lavabo. Les autres lui posèrent quelques questions. Il répondit vaguement, affichant une fatigue extrême… et fermant les yeux.

Il n’avait pas vu La Candeur et il ne voulait interroger personne.

Soudain, le plancher du •corridor se mit à gémir sous des pas puissants ; le cœur de Rouletabille battit à coups plus précipités et le reporter rouvrit les yeux. La Candeur entra !

D’abord La Candeur ne vit pas Rouletabille. Il jeta sa capote sur son lit en criant : « Ouf ! fini l’emballage de la semaine !… » Et puis il s’affaissa sur le sommier qui craqua ; après quoi, La Candeur se déchaussa en poussant des « han ! » lamentables…

« Qu’est-ce qu’il y a encore, Pichenette ?… demanda l’un des prisonniers…

— Bonsoir de bonsoir ! je te défends de m’appeler comme ça ! t’entends bien, l’Enflé ?

— Tu m’appelles bien l’Enflé, moi, qui n’ai pas deux sous de lard sous la peau, je peux bien t’appeler Pichenette, toi qu’as un poing à assommer un bœuf !…

— Possible, mais j’ai un vrai nom qui ne faut pas oublier !… J’ m’appelle… René Duval !… tout simplement !… Ouf ! je ne m’en souvenais plus ! grogna en aparté La Candeur qui se redressa après avoir déposé précieusement ses godillots au pied de son lit.

En se relevant, il aperçut tout à coup Rouletabille…

D’abord, il vacilla… Son grand corps eut une oscillation