— Ils ne sont qu’un, toujours le même.
— Vous en êtes sûr ?
— L’examen des traces sur le mur et sur la gouttière ne laisse aucun doute à cet égard, et c’est toujours le même grappin qui sert pour la fenêtre.
— La misérable !
— Monsieur Koupriane, Mlle Natacha semble vous préoccuper beaucoup ! Je ne suis point venu vous parler de Mlle Natacha. Je suis venu vous montrer le chemin suivi par celui qui veut tuer !
— Eh ! c’est elle qui lui ouvre ce chemin !
— Je n’en disconviens pas !
— La petite misérable !… Pourquoi introduirait-elle, chez elle, la nuit… ? Vous croyez peut-être à une histoire d’amour ?…
— Je suis sûr du contraire…
— Et moi aussi !… Natacha n’est pas une amoureuse !… Natacha n’a pas de cœur ! Natacha n’est qu’un cerveau ! Et il ne faut pas beaucoup de temps, allez, à un cerveau touché par le nihilisme pour qu’il ne recule devant rien !…
Koupriane réfléchit un instant pendant que Rouletabille le regardait en silence.
— Sommes-nous seulement en face du nihilisme ?… reprit Koupriane. Tout ce que vous me dites ne fait que m’ancrer davantage dans mon idée : drame de famille… pur drame de famille… Savez-vous bien qu’à la mort du général Natacha sera immensément riche ?
— Je le sais, répondit Rouletabille, d’une voix qui sonna singulièrement à l’oreille du maître de police et qui lui fit relever la tête… Mais Rouletabille se détourna.
— Qu’avez-vous ?
— Moi ? Rien ! répliqua le reporter, cette fois, sur le ton le plus ferme. Je dois cependant vous répondre ceci : Je suis sûr que nous nous trouvons en face du nihilisme…
— Qu’est-ce qui vous le fait croire ?
— Ceci !
Et Rouletabille tendit à Koupriane le message qu’il avait reçu le matin même.
— Oh ! Oh ! fit Koupriane ! vous êtes visé prenez garde !
— Je n’ai plus rien à craindre, je ne m’occupe plus de rien !… Oui, nous avons affaire à un révolutionnaire, mais à sa mode !… Sa façon d’agir n’est point celle de l’un de ces petits jeunes gens que le comité central arme d’une bombe et qui s’est sacrifié d’avance !…
— Jusqu’où vont les traces que vous avez relevées ?
— Jusqu’à la petite villa de Kristowsky !…
Koupriane bondit :
— Qui est habitée par Boris ? Parbleu ! Nous y voilà bien. Je comprends tout maintenant ! Boris, encore un cerveau malade !… Et il est fiancé !… S’il fait le jeu des révolutionnaires, l’affaire peut lui rapporter gros, à lui !
— Cette villa, fit tranquillement Rouletabille, est habitée aussi par Michel Korsakof.
— C’est le plus loyal, le plus sûr soldat du tsar.
— On n’est jamais sûr de rien, mon cher monsieur Koupriane.
— Ah ! je suis sûr d’un homme comme celui-là !
— On n’est jamais sûr des hommes, mon cher monsieur Koupriane !
— Je répondrai en tous cas de tous ceux que j’emploie !
— Vous auriez tort.
— Que voulez-vous dire ?
— Quelque chose qui peut vous servir dans l’entreprise que vous allez tenter, car j’espère bien que vous allez prendre le joli monsieur au nid ! Pour cela, je ne vous cache pas qu’il faudra que vos agents disposent d’une astuce sans égale. Il leur faudra