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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/120

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III. — Où Olajaï se repent d’avoir trop parlé et où il se venge en parlant davantage

Au camp des bohémiens, profitant de l’absence momentanée de Callista, la vieille Zina avait couru à la roulotte où elle avait retrouvé Odette, tremblante, pleurant d’effroi, épouvantée de l’arrivée subite du couple cigain : « Que se passait-il ? Pourquoi Andréa et Callista les avaient-ils rejoints ? Quel nouveau danger courait-elle ? »

Elle avait encore la vision de la scène de la grotte, de ce couteau levé dont cette fille l’avait si atrocement menacée.

Zina la prit dans ses bras, couvrit ses mains de baisers, essayant de la rassurer, lui jurant qu’elle était une petite chose sacrée à laquelle nul n’oserait toucher ! Est-ce que, depuis qu’elle était avec eux, elle avait eu à se plaindre de mauvais traitements ? Est-ce qu’au contraire elle n’avait pas eu tout le monde à ses pieds, comme aux pieds de sainte Sarah ? Est-ce qu’on n’avait pas tout fait pour la distraire ? Et les danses du soir ? Et le chant des guitares ? Est-ce qu’elle n’était pas leur petite reine ?

— Ne pleure pas ! Ne pleure pas !… Là-bas une grande surprise t’attend… devant toi les portes s’ouvriront et sur ton passage, tu ne verras que des têtes inclinées !…

Elles parlaient toutes deux à la fois…

Odette, répondant à ses caresses en la griffant et en répétant pour la millième fois qu’elle voulait retourner à Lavardens… la vieille sorcière, continuant sa prophétie dans une extase qui la rendait insensible aux outrages de cette enfant.

Soudain, elle descendit de son trépied, car la voix de Callista se faisait de nouveau entendre et le tumulte recommençait de plus belle autour de la roulotte…

Zina recommanda à Odette de ne pas bouger et descendit…

Mais Odette courut aussitôt à son observatoire et se risqua même à entr’ouvrir le carreau de sa lucarne dans l’espérance qu’elle pourrait saisir quelques mots qui lui révéleraient la signification de cette agitation inopinée des bohémiens.

Au fond de son cœur, elle se disait qu’on venait peut-être la délivrer… C’était son unique pensée, celle qui la faisait se réveiller en sursaut, la nuit et écouter tous les bruits mystérieux de la campagne… Ah !