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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/138

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Reprenons les événements d’un peu plus haut, autrement dit : retraçons-les tels qu’ils se seraient déroulés quelques heures auparavant, et cela, en nous aidant du carnet de Rouletabille.

Rouletabille et Jean n’avaient pas cessé de surveiller Hubert.

Ils se demandaient avec inquiétude ce que pouvait bien être cette lettre qui lui avait été apportée dans cet hôtel où ils ne s’étaient décidés à descendre qu’au dernier moment.

— C’est peut-être un mot de l’antiquaire ? avait émis Santierne.

— C’est ce qu’il va falloir vérifier ! avait répondu Rouletabille… En attendant, je vais interroger le groom…

Celui-ci leur apprit que la lettre remise à M. de Lauriac avait été apportée par un commissionnaire qu’il ne connaissait pas.

Pendant que le reporter restait à l’hôtel à surveiller Hubert, Jean se rendit chez l’antiquaire, le questionna adroitement et acquit la certitude que la lettre ne venait pas de lui… Il rentra. Rouletabille lui dit :

— Hubert n’a pas quitté sa chambre. Il paraît très fiévreux, presque inquiet. Il a relu plusieurs fois la lettre mystérieuse.

Sur ces entrefaites, Hubert sortit et leur proposa une promenade… Ils allèrent ensemble, visiter la vieille ville, admirèrent les antiques bâtisses, bariolées de jaune, de vert, de rose, de bleu, avec leurs curieuses fenêtres en encorbellement, s’extasièrent devant le célèbre mausolée de Maximilien Ier dans l’église des Franciscains, puis reprirent le chemin de l’hôtel…

De temps en temps, Rouletabille pénétrait dans une boutique pour faire quelques achats, car depuis l’accident du train il était dénué de tout, Andréa et Callista ayant négligé de lui jeter son sac par la portière.

Ils dînèrent ensemble, fort plantureusement, oubliant apparemment toutes leurs préoccupations… Après dîner, Hubert écrivit une longue lettre qu’il alla mettre à la poste, Rouletabille et Jean l’y accompagnèrent.

Le reporter dit à Jean :

— Je donnerais bien quelque chose pour savoir ce qu’il y a dans cette lettre ; il prend trop de précautions !… Ce doit être la réponse au mot qu’il a reçu tantôt…

À neuf heures, Hubert déclara qu’il était fourbu, qu’il avait « du sommeil en retard » et qu’il allait « se rattraper ». Il s’enferma dans sa chambre. Un quart d’heure après, on l’entendait ronfler.

Jean n’était séparé d’Hubert que par une cloison. Rouletabille avait sa chambre de l’autre côté du couloir, en face de celle de Jean. De là, il pouvait surveiller les deux portes. Cependant, en entendant ronfler Hubert, il crut pouvoir dire à Jean que la journée était terminée.

Ce n’était pas l’avis de Jean.

— Il peut très bien simuler le sommeil !

— Eh bien, quand il ne ronflera plus, tu viendras me prévenir.

Et il rentra dans sa chambre.

Jean retira bruyamment ses chaussures, se jeta sur son lit en faisant craquer le sommier, puis remit ses chaussures fort sournoisement et attendit les événements.

Quelques instants plus tard, le ronflement cessa, une porte fut entr’ouverte…

— Décidément, Rouletabille baisse !… se