Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/36

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Conformément à un usage ancien, un vieillard désigné apportait le livre chez les tribus voisines pour lutter contre la contagion par les plus ferventes prières… Et le vieillard, avant d’expirer, expliquait à Hubert :

— Le mal m’a frappé… Il s’agit de porter le livre à quatre verstes d’ici, au chef du village prochain…

Hubert prit ce qu’on lui tendait. Quand il avait sorti le livre de sa gaine, il s’était vu en possession d’un véritable trésor. Tout ce que l’art des moines du mont Athos avait pu ajouter à un missel ou à une icône — toute la science et toute la richesse byzantines, transmises aux joailliers de Sever-Turn — s’était rencontré pour faire de ce livre une pure merveille. Les bijoux qui l’ornaient étaient des plus précieux. Désormais Hubert était riche ou plutôt il avait de quoi le devenir. Il s’empressa de quitter avec son trésor un pays qui était comme une plaie sur le monde.

Comment y était-il venu ? Il avait entendu dire autrefois à son père que les Lavardens n’avaient pas toujours été aussi riches, que le vieux Lavardens avait fait maints voyages dans sa jeunesse avant de rencontrer la fortune et que le bruit courait qu’il avait établi la base de celle-ci sur l’acquisition de certains terrains pétrolifères limitrophes du patriarcat de Transbalkanie. Un jour même le père d’Hubert avait questionné le père d’Odette et celui-ci avait vaguement répondu qu’il n’avait fait que traverser le pays, que celui-ci était en effet des plus riches en pétrole mais que l’isolement de cette contrée, les difficultés de transport et l’hostilité des habitants en ren-