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SUR MON CHEMIN

un instant, s’arrêta de lécher et exprima brusquement tout le mécontentement qu’il ressentait de cette musique inusitée et matinale. Des burnous blancs s’agitaient dans un coin : c’étaient des prisonniers arabes qui, depuis des années, avaient à mourir là d’ennui.

Mais le canot ministériel revenait déjà sous l’effort de ses seize rameurs, et notre flottille s’éloigna vite. Les habitants de Calvi la regardèrent partir et crièrent sans conviction : « Vive la République !  » (N’oublions pas que nous sommes dans le pays de Napoléon.) M. Lockroy serait demeuré plus longtemps chez ces braves gens qu’il n’aurait pu encore avoir la prétention de le leur faire oublier.

Le Pothuau, à bord duquel se trouvaient le ministre et sa suite, le Galilée et notre paquebot, le Cyrnos, de la Compagnie Fraissinet, dont le directeur lui-même et M. Neuton nous font aimablement les honneurs, prirent la route du cap Corse.

Toute cette côte nord-ouest est désolée et désolante : pas de falaises, mais des sommets de montagnes abruptes dont les arêtes s’enfuient dans la mer. On dirait de hautes cimes surprises hier par un déluge. Entre ces arêtes, des criques, des anses, des baies, des golfes. Nous entrons là-dedans. Nous visitons, après Calvi, Saint-Florent, pauvre petit village moisi, aux murailles qui semblent mangées de lichens, comme si les maisons avaient séjourné vingt ans dans un aquarium. Que sommes-nous allés faire à Saint-Flo-