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À TRAVERS LA TUNISIE

hauts bonnets pointus et moyenageux, se penchaient sur les balcons et nous souriaient amicalement. Des Françaises gracieuses et bien parisiennes agitaient leurs mouchoirs sur les terrasses. Des groupes de Mauresques, accoudées, tournaient vers nous leurs faces de mystère et d’ombre, le profil à peine dessiné sous le voile qui ne laisse passer que l’éclair du regard…

Mais nous franchissons la porte du palais, palais d’Orient, palais des Mille et une Nuits, accumulation fantastique d’incalculables richesses ! Eh bien, tout cela, c’est de la blague. Je les ai vus, les murs du palais, et les salles, et les couloirs, et les cours. On y a fait une grande dépense de chaux : tout y est blanchi à la chaux ; il n’y a même pas de tableaux sur les murs. Quant au grand salon d’apparat, au salon du Trône, où l’on nous a reçus, un directeur de province qui se respecte n’en voudrait pas pour jouer Trois Femmes pour un mari. Aussi le bey, qui en a tant, est-il impardonnable de les condamner à vivre dans un milieu où la pauvreté de la décoration le dispute au mauvais goût. Ce salon, entre autres, est tapissé entièrement de rouge sang de bœuf. Les corniches du plafond sont en or, je veux dire dorées. Ainsi pour les fauteuils, sans style, rouges et entourés de bois doré. Il y a une pendule dorée sous un globe, sur la cheminée. C’est à hurler ! On se croirait chez un roi nègre.

Il y a eu des présentations, comme vous pensez bien. Seulement, M. Lockroy ne sait pas l’arabe,