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SUR MON CHEMIN

et, comme le bey ne sait pas le français, tout s’est passé par interprète. Le bey semble un général turc quelconque. Il paraît plus vieux que M. Lockroy. Celui-ci s’est laissé passer au cou le grand cordon de l’Ahed. Tout de suite, ça lui a donné l’air d’avoir un costume comme tout le monde. En même temps que le cordon, on a donné à notre ministre une belle feuille de papier écolier sur laquelle il a commencé à lire :

Louange à Dieu seul !
Ceci est pour l’homme illustre dont le monde
entier loue les bienfaits…

M. Lockroy a mis le papier dans sa poche en rougissant. Coût de la cérémonie : 300 francs. Pas pour le bey.

On est allé ensuite prendre le frais sur les terrasses, puis dans les petites ruelles arabes, où M. Lockroy a marchandé un tapis pour mettre sur son piano. Il a fini par s’entendre avec Barbouchi, qui est un marchand illustre ici.

Le soir, M. Lockroy est allé à la Goulette pour s’occuper de ses canons. J’ai vu passer le train qui le ramenait à Tunis, ce pendant que j’attrapais un gros rhume dans les citernes de Carthage en évoquant, à l’heure du crépuscule, le souvenir de Matho et en songeant au Nicham, que je n’aurai jamais !

Tunis, 14 octobre 1891.