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COIN DE FÊTES

dans cette fièvre inoubliable où nous avions vu Paris huit jours avant la visite des souverains russes. Nous assistions à l’avance aux préparatifs hâtifs et magnifiques des réjouissances du lendemain, et nos yeux s’éblouissaient aux triples couleurs des banderoles et des drapeaux.

Or Saint-Pétersbourg nous apparut, à l’approche du soir, immense et désolé, sans oriflammes et sans fleurs, et sans paroles de bienvenue Il nous parut que cette ville n’attendait rien ni personne. Les murs, les palais, les casernes, les rues et les gens étaient, nous semblait-il, effroyablement tristes, et cette tristesse nous gagna. Elle s’augmentait du souvenir de déconvenues récentes, des signaux demandant un pilote auxquels nul n’avait répondu, de l’indifférence des autorités de Revel, qui nous laissaient tirer nos canons, entendaient hululer nos sirènes, voyaient en un triple feu de Bengale s’allume, nos trois couleurs et ne nous répondaient point. Et puis il y avait eu cette sortie de nuit de la rade de Revel, cette rencontre soudaine avec la flotte russe qui ne nous soupçonnait pas et qui se livrait à des exercices à feu.

Être accueillis sur cette mer amie par des boulets russes nous eût été doublement cruel. Le bruit effroyable de toutes nos sirènes et la projection électrique d’un cuirassé venant nous découvrir nous avait tirés de là. Bref, l’impression était lugubre. Hier encore, quand on nous permit, après quatre heures d’attente rageuse, de descendre