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SUR MON CHEMIN

tertre, droit et haut sur l’horizon, détachant sa silhouette noire sur le blanc laiteux du ciel, le président de la République française voit venir à lui l’armée russe. Son geste salue les étendards qui passent à ses pieds, les drapeaux des régiments écarlates et dorés et les aigles, les aigles d’argent isolées au bout des hampes, telles des enseignes byzantines.

Quand ils passent, les soldats jettent au tsar leur morituri te salutant ! un hourra guttural et sauvage qui promet tous les dévouements : « Nous tâcherons de t’être utiles ! » et le tsar répond : « Merci, frères ! » le tsar, fine statue équestre, immobile devant le groupe des états-majors immobiles.

Le fleuve des régiments coule toujours à nos pieds, d’un cours régulier et large. Leurs vagues montent en cadence, aux rythmes doux des fifres et des tambours. Cette musique grêle rend alertes les soldats : le son des flûtes semble leur promettre des étapes joyeuses et fait diversion à l’orchestration des cuivres. Ceux-ci repartent, éclatants, ressaisissent les troupes, nous créent une atmosphère de guerre et de victoires. Nous entendons des airs qui retentirent sur d’autres champs : Sambre-et-Meuse.

Voici les régiments de la garde, ceux des chasseurs et ceux des grenadiers, voici les bonnets ronds et noirs, les tuniques sombres, les torses fameux où s’enroule la capote grise du régiment Moskovsky. Voici l’alignement rouge que font les