Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
SUR MON CHEMIN

d’un œil anxieux le commandant, il s’avance, fier de porter à son bord les touristes de la Revue générale des sciences et M. Léger, professeur au collège de France, qui sait le russe. Sa marche est régulière, et il semble que rien ne pourra venir troubler cette navigation intérieure commencée sous d’aussi heureux auspices.

Tout à coup, un craquement sinistre se fait entendre. Tout le navire en gémit. Il est huit heures vingt, et l’on vient d’enfoncer la berge. Nous nous regardâmes tous, consternés. Rien ne faisait prévoir un tel événement, et chacun discutait encore paisiblement sur l’effet d’optique auquel il avait été si heureux de s’extasier quand les mâts du Versailles, qui paraissaient très hauts, étaient passés sans encombre sous le tablier d’un pont qui paraissait très bas.

Les effets d’optique tiennent une grande place dans les voyages. Ils ne devaient pas en tenir autant, cette fois-ci, que les échouages successifs auxquels il nous fut donné d’assister.

On télégraphia à Kiel de nous envoyer les remorqueurs nécessaires. Ils arrivèrent sous la forme d’un petit vapeur qui s’appelait le Berlin et qui se mit immédiatement à tirer de toutes ses petites forces notre grand bateau. On rompit des cordages, on fit sauter, sur les rives, des bornes, on héla, on hurla, on fit de la fumée et l’on sortit de cette situation désastreuse à onze heures trente-neuf minutes, pour être exact.

Il n’y avait pour se réjouir de cet incident que