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SUR MON CHEMIN

maine. C’est là qu’elle vient se faire juger. Je vous affirme que nos magistrats font tout ce qu’ils peuvent pour elle.

Ils écoutent attentivement ses plaintes et ils prononcent la sentence selon que la leur dicte leur conscience et leur tempérament. L’une ne va point sans l’autre, et le tempérament a la plus grande influence sur la conscience. Comme ils ont des tempéraments différents, ils ont des sentences inégales, et c’est ce qui explique que de deux individus, poursuivis pour un méfait identique, devant des juges divers, l’un soit acquitté et l’autre condamné. Ce sont des choses qui se voient tous les jours, de la huitième à la onzième. Je vais vous citer un exemple frappant. Un individu avait été surpris, sous les galeries de la rue de Rivoli, vendant des cartes transparentes. Il promettait aux acheteurs de passage que, s’ils mettaient ces cartes devant une bougie, ils verraient aussitôt, au lieu de la dame de pique, « le coucher d’Yvette ». Or, les cartes de cet individu n’étaient point transparentes du tout, et il se trouva qu’un acheteur le poursuivit devant la neuvième chambre correctionnelle pour escroquerie. Il lui reprocha de l’avoir poussé à acheter un paquet de cartes en faisant naître en lui « des espérances chimériques », comme dit le code. Finalement, le vendeur fut condamné à trois mois de prison.

Je sortis de la neuvième et je pénétrai, en face, à la huitième. Ceci n’est pas un conte. Le même