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NOS BONS JUGES

jour, devant cet autre tribunal, un autre individu était poursuivi par un autre acheteur de cartes, qu’il avait crues transparentes, toujours pour escroquerie. Là, le tribunal acquitta. Il déclara qu’il ne pouvait y avoir eu escroquerie à propos d’un « contrat immoral ».

De ces deux résultats, diamétralement opposés, les écrivains dont je vous parlais tout à l’heure ne manqueraient point de tirer quelque argument contre la justice. Ils proclameraient que la conscience des juges est bien misérable, qui fait triompher indifféremment le blanc et le noir, et qu’une chose qui est innocente devant telle chambre ne saurait être condamnable devant telle autre, sans soulever la réprobation des philosophes. Ils ne tiendraient aucun compte, naturellement, du tempérament des juges, qui pousse les uns à juger selon le droit pur, et les autres à se prononcer suivant les circonstances du procès qui ont pu choquer une austérité intransigeante.

Nos juges ne sont point de purs esprits ; ils ont, comme tous les hommes, leur caractère propre, leur nature ; pas plus que nous, ils ne peuvent faire abstraction du milieu où ils vivent, de l’éducation qu’ils reçurent et des maladies qu’ils ont. Mais, avec tout cela, ils jugent le mieux qu’ils peuvent. La grande affaire, pour le justiciable, est de bien tomber et de ne se point présenter aux coups de Thémis à l’heure où la goutte travaille péniblement l’orteil de M le président. Un homme qui souffre n’est point disposé à s’at-