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SUR MON CHEMIN

— Mais vous empoisonnez vos malheureux clients !

— Si je les empoisonnais, il y aurait beau temps qu’ils m’eussent lâché, depuis huit ans !

— Mais vous les trompez abominablement !

— Mais non, monsieur le président, le client sait !

Le président est furieux de tant de cynisme et de mauvaise foi. Il puise, dans son dossier, des étiquettes d’un dessin et d’une couleur variés.

— Il ne sait rien, le client ! Je lis vos étiquettes et j’y relève ces mots : « Ô fin gourmet ! Ouvrez délicatement la boîte une heure seulement avant de vous en servir. Évitez la chaleur et l’humidité. Gare à l’humidité !… Terrine des gourmets… Mettez au frais ! » et autres recommandations qui ne sauraient être de mise pour de la viande de cheval. Non seulement vous les trompez, vos clients, mais encore vous vous payez leur tête…

— Monsieur le président, vous n’avez point lu avec soin mes étiquettes, sans quoi vous eussiez certainement remarqué ces deux lettres : M. H.

Le président découvre, en effet, deux petites lettres, deux petites naines de lettres qui ne sauraient passer inaperçues, pour peu que l’on examine les boîtes de conserve à la loupe.

— Que veulent dire M. H. ? demande le président intrigué.

Ici, M. Person prend son temps et laisse tomber ces mots qui médusent le tribunal :

— Il faut y mettre de la mauvaise volonté pour