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SOUS LE COUTEAU

nimes, j’imagine que la quiétude jamais bien complète des maîtres du monde doit se trouver bouleversée au lendemain de ces coups imbéciles du sort qui jettent sur le sol ensanglanté les cadavres des Alexandre, des Canovas et des Carnot.

Qui analysera jamais les sentiments qui les partagent devant ce rappel soudain des dangers qu’ils courent, devant cette image de la mort qui les poursuit ? Qui fera la balance de la joie que leur accorde le pouvoir et de la terreur latente, qui doit sommeiller en eux, d’une fin tragique ? Ont-ils pleinement la joie de vivre, ceux qui ont la joie de régner ? Je voudrais aussi parler de leur courage, car il en fallut à Alexandre III après la mort de son père, car il en fallut à M. Casimir-Perier après la mort de M. Carnot.

De quoi étaient faites, à cette époque d’attentats multiples et triomphants, les larmes de M. Casimir-Perier acceptant la présidence de la République ? Lui venaient-elles de l’allégresse que donne la magistrature suprême ou de la tristesse qu’il ne pouvait vaincre en acceptant, par patriotisme, un poste de gloire qui le désignait alors au poignard des assassins ?

L’évocation de tels sentiments devant un danger qui nous a abandonnés peut paraître démesurée. Mais songez qu’à ce moment de deuil national on se disait que la tête de Caserio allait prochainement rouler sur l’échafaud et que Ravachol, Vaillant, Émile Henry n’avaient pas attendu long-