Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
SUR MON CHEMIN

rêt. On voit bien à leurs regards, on sent bien à leurs façons d’être au fond de leurs fauteuils, qu’ils sont absents de cette cérémonie-là. Appuyés, dans une attitude de repos, à leurs vastes dossiers, ils semblent très las d’une grande fatigue d’âme. L’heure de la lutte, des questions à se poser auxquelles il a fallu répondre, des responsabilités à prendre devant lesquelles il n’a pas fallu reculer, cette heure est close. Ils disent par leur immobilité, par leur détachement certain de ce qui se déroule sous leurs yeux et qu’ils ne voient pas : « Ce qui est fait est fait, et devait être fait ! » Ils disent cela aussi, par leur superbe quiétude.

Cependant, la foule, elle, écoute avec ardeur. Ses yeux, tous les yeux convergent vers M. le Premier. Elle le trouve lent à lire et mauvais lecteur. M. Mazeau tient les pages froissées où l’arrêt est rédigé. Ses gestes manquent de symétrie et cherchent, en tâtonnant, le feuillet qui se fait attendre. M. Mazeau est myope et lit à la loupe. Est-ce défectuosité trop accentuée de la vue de M. Mazeau, ou rédaction trop précipitée et mal calligraphiée de l’Arrêt ?… Mais M. Mazeau, aux passages les plus intéressants, s’arrête, reprend avec peine, lâche un mot qui n’est pas le bon, le retire et le remplace par le vrai. Quoi qu’il en soit, si la lecture de M. Mazeau manque de rythme, on n’a point le temps de lui en vouloir, et l’Arrêt, si catégorique dans sa brièveté et si absolu dans ses considérants, n’est pas plutôt