Le comte est un bel homme, qui a beaucoup d’allure, droit comme un sabre, superbe. Il a les cheveux grisonnants, en brosse, une belle moustache blanche bien fournie, et il claironne :
— Ancien officier de cavalerie, chevalier de la Légion d’Honneur.
Il a les mains fines, gantées de beurre frais.
M. de Ghaisne de Beaumont avoue six prénoms : Marie-Adolphe-Armand-Charles-Henry-Amédée, dit qu’il est né à Caen, s’allonge avec un étirement des bras et des jambes, se retourne sur sa banquette et voudrait bien que ce fût fini.
M. de Ramel se lève à son tour, le binocle méchant, mais garde tout son calme et nous rappelle qu’il est avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et, de plus, député, ce qui est moins rare. M. de Ramel a cinquante-deux ans. En s’asseyant, il ferme les poings.
C’est le tour de Déroulède. On le retrouve tout entier. Le voilà tel qu’il était, il y a quelques mois, à la cour d’assises. C’est un bondissement, un cri, un geste qui menace. La voix est rauque, à la fois sourde et pleine ; elle emplit la salle, elle remue de la colère.
— Déroulède ! Ma profession, défenseur des droits du peuple !
Et, tourné vers les juges :
— Ce n’est pas une profession lucrative !
S’asseyant :
— Mon domicile ! Quelquefois avenue Kléber ! Le reste du temps en prison !