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PLAISIRS DE CARÊME

mes yeux vu, combien les sermons du Père du Lac avaient porté de fruits.

Je suis tombé chez ces grandes dames, dans l’instant où elles travaillaient pour les pauvres. C’était pour les pauvres, m’a-t-on dit, du treizième arrondissement. Vous ne savez pas tout ce que ces dames sont capables de faire pour les pauvres. Elles montrent leurs épaules nues, un air de fête qui leur vient de la joie de la bonne action accomplie, leurs parures les plus riches, leurs joyaux les plus rares, et elles jouent la comédie. Il n’est point de sacrifices qu’elles ne consentent. Cette année, elles ont joué une revue. Une revue ? Oh ! une revue de carême !

Et vraiment je ne me doutais point que ce fût une chose aussi délicieuse que ces réjouissances discrètes de carême dans le grand monde, ni qu’il fût possible de réunir avec plus d’esprit les éléments d’un spectacle qui pût convenir à la fois aux vieillards et aux jeunes filles, en passant par les dames d’âge mûr pour aboutir enfin aux enfants, ni encore que l’on pût concevoir des rôles d’un parisianisme assez poussé pour qu’ils fussent plaisants à entendre, et assez chastes pour qu’ils fussent possibles à remplir par des marquises ou des comtesses — en carême. Avec cette formule rare, ces dames sont parvenues à faire entrevoir aux regards les plus candides des coins de music-hall qui leur sont les plus fermés, et la conscience de personne ne saurait s’en émouvoir. N’avons-nous pas applaudi hier une