Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
UNE CONVERSATION AVEC M. DESCHANEL

machine, de très peu de chose, du mouvement d’une aiguille sur un cadran. Cette machine pesante et compliquée a la sensibilité d’une balance d’orfèvre, et il suffit parfois d’une syllabe ou d’un geste pour faire chavirer tout !

— Ne pensez-vous pas, monsieur le président, qu’il est plus facile d’être un président de combat ? Car, enfin, l’impartialité ne risque-t-elle pas de faire des mécontents des deux côtés ? À gauche, on vous criera que vous êtes l’élu des chouans, et, à droite, que vous ménagez les révolutionnaires.

— La Chambre vient de répondre à cela. Mais ce qui est vrai et ce que j’avais l’honneur de lui dire l’autre jour, c’est que c’est parfois quand on fait le plus grand effort d’impartialité — et cet effort se réalise dans les moments les plus difficiles et les plus troublés — c’est à ce moment qu’on est le plus attaqué. Le sentiment du devoir accompli vous console aisément de ces attaques, bien excusables d’ailleurs, dans le feu de l’action, et que mes collègues sont souvent les premiers à regretter une fois le calme revenu.

— Et les rigueurs du règlement ?…

— Oh ! les rigueurs du règlement !… J’ai horreur de toucher au règlement ! Cela m’arrive le moins possible, et toujours à mon corps défendant ! D’ailleurs, je suis un peu désarmé. Qu’est-ce que le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal ? Autrefois, il comportait une amende. Depuis quinze ans, cette sanction a