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PLAISIRS DE CARÊME

ciaux en gardent jalousement l’entrée. Quelqu’un, à côté de moi, veut passer ; il n’y réussit point.

« Qui-est-ce ? demande un commissaire. — Je l’ignore, répond un autre : il n’est pas du monde du bal. »

Moi non plus, mais je passe tout de même. Dans le petit foyer, comtesses et marquises se font des mines devant les glaces, et se montrent fort occupées du rouge de leurs pommettes, du khol des yeux et de la crème des joues. Des bergers tout enrubannés et poudrederizés leur donnent des conseils. Il y a de jolis rire, étouffés, ce pendant que monte, descend, trille, roucoule et cascade, en sourdine, la voix claire et fraîche comme une source montagnarde, de Mlle Marignan.

Elle s’entretient la gorge et prépare son succès de tout à l’heure. « Je crois que ça ira, » dit-elle avec un sourire. Cela a été, et il y a eu du mérite. Mlle Marignan, de l’Opéra-Comique, a été avertie, depuis vingt-quatre heures seulement, qu’elle aurait à chanter le rôle de Dinorah. Mme la vicomtesse de Trédern se l’était réservé, mais elle a tout quitté pour courir au chevet de son fils, très malade. Ce premier acte du Pardon a été également un triomphe pour M. Le Lubez dans le rôle de Corentin ; pour M. Ch. Morel et pour le comte de Louvencourt et pour le marquis de Pothuau. Vraiment l’on ne joue point mieux la comédie et l’on ne chante pas avec plus