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SUR MON CHEMIN

qui lui ont donné leurs conseils. Poussés par le désir de voir triompher leur élève, ils ne se bornent pas aux conseils, ils poussent l’esquisse à fond. Ils établissent l’œuvre jusque dans ses dernières lignes. Quand ils la jugent à point, ils font revenir l’élève, attardé à prendre le frais sur le bord de la Marne ; on photographie le travail du maître, ou on le calque ; le logiste retourne en loge, avec calque ou photographie, et copie. Voilà. Que l’on ne me dise point que cela ne se fait pas. Cela se fait tout le temps. Je pourrais vous citer des noms. Et je vais vous livrer l’histoire authentique, entre dix autres, d’un premier prix de Rome. Celle-là est légendaire à l’École.

Un logiste (section peinture) avait pour excellent ami un sculpteur célèbre, membre du jury d’examen. L’esquisse faite, le logiste l’apporte au sculpteur. Et le sculpteur fit en sculpture ce que l’autre devait reproduire en peinture. Le tableau, dans ses détails les plus intimes, fut bâti en relief. Tout y était. Il n’y manquait ni un muscle, ni une tringle, ni un rideau, ni le trophée d’armes au chapiteau de la colonne (car, dans ce tableau, il y eut une tringle, un rideau, un trophée d’armes…). On photographia, et l’ami du sculpteur eut le prix de Rome.

Pensez-vous que les maîtres s’insurgeront contre de telles mœurs ? Je vous dis que les membres du jury sont complices.

On voit maintenant combien les élèves ont intérêt à faire une esquisse sommaire. Dans le