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L’ÊTRE OU NE PAS L’ÊTRE ?

— À quoi cela tient-il d’être ministre ? À quoi cela ne tient-il pas ? Vous me direz que cela tient d’abord au talent qu’on a ? Sans doute. À l’étude approfondie des questions sociales ? Je le veux bien. À une science acquise des manœuvres parlementaires ? Je n’en disconviens pas. Au caractère que l’on a su montrer dans certaines minutes décisives ? C’est possible. Et à un ensemble de qualités morales, domestiques et publiques, qui tout que si on ne les a pas, on ne saurait tenter, sans outrecuidance, d’entrer dans un cabinet qui veut se faire respecter ? J’avoue que ce sont là choses nécessaires et propres au bien de la nation. Mais cela tient encore à ceci, qui est bien le plus important de tout : la veine.

Mon Dieu, oui ! vous pouvez être le plus ministrable de tous les parlementaires, si vous n’avez pas la veine, vous ne « le » serez jamais ! Ainsi, voici M. Terrier, par exemple, qui fut député d’Eure-et-Loir, après avoir été contrôleur des contributions indirectes, eh bien ! M. Terrier n’aurait jamais été ministre, s’il n’avait eu la veine. Pour lui, la veine consista à habiter rue Richer : ça lui porta bonheur. Le personnage chargé de constituer un cabinet et qui était justement M. Dupuy, je crois, s’était rendu rue Richer, pour demander à M. Guillemet, qui demeurait à côté, de M. Terrier, d’entrer dans sa combinaison. M. Guillemet était à la campagne (il avait la guigne, celui-là). M. Dupuy, désespéré, se souvint à temps qu’il n’avait que deux