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SUR MON CHEMIN

j’avais gardé de sa conversation le meilleur souvenir. Aussi fis-je l’impossible pour le joindre et l’accaparer. Une foule brillante d’officiers de toutes armes et d’attachés d’ambassade, tout enguirlandés d’or, me séparaient de lui. Il m’échappa. Je le perdis dans le salon Murat, je ne le trouvai point dans le salon du corps diplomatique, que je traversai, bien qu’il ne me fût point réservé ; mais nous nous rencontrâmes, par hasard, au buffet, sur le même sandwich. J’insistai pour qu’il s’en emparât.

— Je n’en ferai rien, monsieur, me dit-il, c’est le dixième, je puis attendre.

Il attendit, en effet, en vidant quelques compotiers que les maîtres d’hôtel imprudents avaient abandonnés à sa convoitise.

— Vous êtes doué d’un bel appétit ! constatai-je avec un sourire béat, ce qui est toujours une manière d’entrer en conversation.

— Mon Dieu ! monsieur, me fit-il, de l’air le aimable du monde, ce que je mange n’est rien en comparaison de ce que je bois.

Ce disant, il s’était emparé d’une bouteille de champagne, et, négligeant les coupes, il s’en servait de grandes rasades dans de vastes verres, où se tassent, d’ordinaire, les boissons accompagnées de glace pilée.

J’ai fait un petit voyage à Stockholm et je connais la façon de vivre de ces gens du Nord. Ils boivent tellement qu’ils ont perdu la faculté de s’enivrer. Je dis au seigneur Otto qu’il ne dégéné-