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SUR MON CHEMIN

riers ou des amants, mais sans nous l’aire sentir si ce sont des manants ou des gentilshommes. Il y a là une règle de généralisation dont nul ne peut se départir. J’aime mieux qu’on me montre des gentilshommes.

J’essayai de faire comprendre à cet homme du Nord que les éléments de la douleur, de la joie et de l’enthousiasme n’étant point les mêmes chez des gens de milieux différents, ils se peuvent traduire par des phrases musicales différentes et par des rythmes contraires, mais il me répondit que j’étais un âne.

— Ce qui le démontre, ajouta-t-il, c’est que M. Charpentier a traduit l’indignation du père de Louise comme il eût fait de celle de Wotan. Quand on met en musique l’indignation d’un ouvrier, le rythme ne doit-il pas être canaille et vulgaire ?

— Ah ! par exemple ! m’écriai-je, vous êtes de Stockholm et vos critiques ne seraient point comprises à Paris !

Mais le fiancé de Thylda ne me répondit point. Il me quitta pour regagner la rive gauche, où une absence plus prolongée aurait été certainement remarquée. L’aube naissait à Montmartre.

Moi, j’assistai, sur le boulevard, au furetage des chiffonniers, à la ballade affamée des humbles, à l’éveil blême des choses.