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SUR MON CHEMIN

aventures nocturnes qui firent alors de Nourrit la terreur du quartier.

Enfin, M. Ambroise Thomas songea aussi à réformer les mœurs. Il rêva, trouvant, avec juste raison, que la coquetterie est à l’origine de toutes les chutes et de tous les péchés de ces dames, il rêva de proclamer des lois somptuaires, dont la première serait la nécessité pour tout le monde de porter l’uniforme. Les élèves hommes l’avaient endossé jadis, et de vieilles femmes se souvenaient, dans le quartier, d’avoir autrefois regardé passer avec complaisance l’habit bleu à boutons d’or de MM. les futurs artistes du Roy. Mais les lois somptuaires de M. Ambroise Thomas ne devaient frapper que les femmes. Ceci se passait en 1872. Il fut question d’imposer à toutes ces demoiselles la robe de mousseline blanche, dépourvue de tout ornement. Quelques vieux professeurs appuyèrent cette proposition du directeur du Conservatoire au ministre des beaux-arts. « Les chères enfants, disaient-ils, elles ressembleront toutes à de petites communiantes ! » Cette perspective, qui semblait leur sourire, déplut à d’autres, qui en donnèrent la raison suivante : « Sous prétexte d’égalité, vous allez rendre certaines d’entre elles affreuses et d’autres plus séduisantes. La mousseline blanche ne va pas à tout le monde ! » On s’inclina devant un argument aussi décisif, et la question de l’uniforme comme les autres, fut une fois de plus enterrée.