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SUR MON CHEMIN

On ne saurait se rendre compte, si l’on n’a fréquenté les coulisses, de la superstition qui règne dans le monde des théâtres.

Directeurs, acteurs, auteurs même attachent à certaines pratiques, à certains mots, à certaine façon dont peuvent se présenter les événements les plus ordinaires de la vie une vertu qui vaut, à leurs yeux, pour le succès de leur entreprise, autant que la collaboration la plus chère de l’artiste le plus en vogue et plus que la scène à faire la mieux faite.

Et d’abord, en dehors de toute superstition, il faut partir de ce principe qu’au théâtre on est, en général, religieux et qu’on y trouve un grand fonds de piété. Depuis Molière, tous ceux qui touchent à la scène se sont reconciliés avec l’Église et prouvent une grande reconnaissance de ce qu’elle ne les empêche plus d’être inhumés en terre sainte. Je connais deux directeurs, que je ne nommerai pas parce qu’ils ont la prétention de passer pour de mauvais garçons et que la réputation contraire pourrait leur porter préjudice ; la vérité est cependant qu’ils ne lèvent point leur rideau sur la « première » sans avoir fait dire quelques messes.

Et les acteurs ! Combien n’entrent en scène qu’après avoir adressé une courte prière au Dieu des arts ! Un acteur qui a fait le succès de quelques pièces aux Nouveautés, et qui y jouait encore l’an dernier, porte toujours sur lui un scapulaire et n’entre jamais en scène sans faire le signe de