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LE POTEAU DU SUPPLICE

Coppée qui suivait anxieusement, sur sa physionomie, les progrès du mal, et qui lui prit la main, sans avoir l’air de rien, pour le réconforter. Quant à l’ami Sardou, il avait les mains dans les poches, lui, et son sourire, au lieu de consoler le malheureux, semblait encourager le bourreau.

Celui là était à la noce. Il s’amusait avec ses flèches, à un point que les moins féroces prenaient du plaisir à le voir. Ne croyez point qu’il les lançait comme ça, tout de go. Que non pas. Il les préparait devant son homme, les aiguisait, en trempait la pointe dans un poison subtil, balançait le bras, souriait d’un air malin, puis d’un air infernal, et ne la lançait qu’autant que l’autre, depuis longtemps, la voyait venir.

Ainsi, par exemple, il lui disait « qu’il avait trop d’esprit », ce qui n’était pas très déplaisant ; puis, « qu’il en faisait parfois un fâcheux commerce », ce qui était de mauvaise augure, et vlan ! la flèche partait : l’esprit n’était plus qu’« un feu follet se promenant sur les pires marécages ».

Le patient perdait visiblement de ses forces. On l’acheva avec la danse du scalp. Vous pensez bien qu’on ne danse point le scalp sous la coupole de l’Institut comme dans l’Arkansas. D’abord, ce sont des dames du monde qui y procèdent, et elles ne sauraient se démener sur la même mesure que les guerriers de la libre Amérique. Voici comment les choses se passent. Ces dames sont assises en rond autour du poteau où