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COMMENT J’AI MANQUÉ CHAMBERLAIN

Le secretary en fut tout décontenancé. Il me fit signe qu’il attendait la descente de son maître pour lui communiquer ma lettre, et il se mit à décacheter le courrier, à faire des remarques dans les marges, à classer ses paperasses quotidiennes. Au bout d’un quart d’heure, il se leva et m’apporta le Times. Je simulai la lecture du Times. Le secretary me regardait « du coin de l’œil ». Je ne savais pas assez l’anglais pour lire couramment le Times ; il savait que je ne savais pas assez l’anglais pour lire couramment le Times ; je savais qu’il savait que je ne savais pas assez l’anglais pour lire couramment le Times, et comme, de son côté, il savait que je savais qu’il savait que je ne savais pas assez l’anglais pour lire couramment le Times, nous partîmes à rire tous les deux.

Ce fut un bon moment. Mais Mr Chamb’l’in descendit. Le secretary me signala son pas ; il ouvrit la porte, j’entr’aperçus l’illustre homme d’État. Je croyais toucher au bonheur. Je me précipitai. Le secretary était déjà devant moi, avec ma lettre, et il sortit, me refermant la porte sur le nez.

Dix minutes après il revint, et me dit encore :

Never ! never ! never !

J’étais fixé. Je poussai un soupir. Je ne voulais pourtant pas être venu si loin et ne rien rapporter de ma visite à Mr Chamb’l’in. Je dis donc au secretary, qui m’accompagnait jusqu’à la porte, cette phrase que le garçon d’hôtel m’avait