Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/21

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rez l’accident qui lui a enlevé bras et jambes ? Cette catastrophe a dû cependant survenir depuis votre mariage.

» — Non, monsieur, non… j’ai épousé le capitaine comme ça !… Mais excusez-moi, monsieur, nos invités vont arriver, et il faut que j’aide mon mari à passer son smoking…

» Elle me laissa seul, affalé, devant cette unique abrutissante pensée : « Elle avait épousé le capitaine comme ça » ; et presque aussitôt j’entendis du bruit dans le vestibule, ce curieux bruit de cui… cui… cui… que je n’étais pas parvenu à m’expliquer l’année précédente, et qui avait accompagné la dame à la lampe jusqu’à la porte du jardin… Ce bruit fut suivi de l’apparition sur leurs petits chariots de quatre culs-de-jatte sans jambes et sans bras qui me regardèrent avec ébahissement. Ils étaient tous en tenue de soirée, très corrects avec des plastrons éblouissants. L’un avait un pince-nez en or ; l’autre, un vieillard, une paire de bésicles, le troisième un monocle, et le quatrième se contentait de ses yeux fiers et intelligents pour me considérer avec ennui. Tous quatre cependant me saluèrent de leurs petits crochets et me demandèrent des nouvelles du capitaine Gérard. Je leur répondis que M. Gérard était en train de passer son smoking et que Mme Gérard se portait toujours bien. Quand j’eus pris ainsi la liberté de leur parler