Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/4

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» À cette époque — il y a de cela une vingtaine d’années — je possédais au Mourillon une petite villa qui m’était venue par héritage, car ma famille a habité longtemps ce pays et moi-même y suis né. Je me plaisais à prendre quelque repos, entre deux voyages au long cours, dans cette bicoque. J’aimais, du reste, ce quartier où je vivais en paix dans le voisinage peu encombrant de gens de mer et de coloniaux qu’on apercevait rarement, occupés qu’ils étaient le plus souvent à fumer bien tranquillement l’opium avec leurs petites amies, ou bien encore à d’autres besognes qui ne me regardaient pas… Mais, n’est-ce pas ? chacun a ses habitudes et, pourvu qu’on ne dérange point les miennes, c’est tout ce que je demande, moi…

» Justement, une nuit on dérangea l’habitude que j’avais de dormir. Un tumulte singulier de la nature duquel il m’était impossible de me rendre compte me réveilla en sursaut. Ma fenêtre, comme toujours, était restée ouverte ; j’écoutais, tout hébété, une espèce de prodigieux bruit qui tenait le milieu entre le roulement de tonnerre et le roulement du tambour, mais de quel tambour ! On eût dit que deux cents enragées baguettes frappaient non point la peau d’âne mais un tambour de bois…

» Et cela venait de la villa d’en face qui était inhabitée depuis cinq ans et