Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/274

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des salaires. C’est ce qui arrive, au moment où nous écrivons, dans les grandes villes d’Europe, à Paris particulièrement. Quoi qu’il en soit, même dans ces circonstances, la baisse du taux de l’intérêt est un facteur énergique du rapprochement des conditions sociales puisque, si les loyers restent élevés, ce n’est pas que les propriétaires des maisons nouvelles tirent de leur capital un revenu très considérable, c’est que les salaires accrus des ouvriers ont forcé à dépenser plus de capitaux pour obtenir le même résultat. C’est encore là une démonstration de la vérité sur laquelle nous avons si souvent insisté la moindre productivité des nouveaux capitaux dans les vieilles contrées.

La baisse du taux de l’intérêt doit se faire sentir aussi sur les produits agricoles ceux-ci doivent avoir une tendance à diminuer de prix, si l’accroissement de la population n’est pas trop rapide et si l’on permet en franchise l’entrée des produits étrangers. Les capitaux, dans cet état de choses où il leur est si difficile de trouver une rémunération convenable, doivent revenir peu à peu à la terre les drainages, les irrigations, les fumures, améliorations qui rapportent peu, 2, 3 ou 3 1/2 p. 100, doivent reprendre faveur.

Ce phénomène, si important et jusqu’ici médiocrement étudié, de la baisse du taux de l’intérêt a aussi une influence sur les rapports de l’État et des individus (on s’en aperçoit en France aujourd’hui, mais presque tout le monde en ignore la cause). Dans une société qui approche de la situation stationnaire, on est beaucoup plus exigeant envers l’État, le gouvernement. On le pousse à tout entreprendre on a une tendance à étendre démesurément ses attributions et à compliquer son rôle. On se plaint à lui de ne plus trouver de placements rémunérateurs on prétend qu’il doit diriger et faire travailler l’épargne nationale on réclame de lui l’esprit d’initiative qui manque aux particuliers. On veut faire de lui enfin une Providence, et le grand moteur des progrès sociaux. C’est le vice de la démocratie, dit-on. Sans doute, mais il y a à cette situation morale, une cause économique plus profonde et qui a passé inaperçue. Cette cause, c’est simplement la baisse du taux de