Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/315

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qu’il paie à son créancier ou qu’il se paie à lui-même, et l’autre moitié représente le profit à proprement parler. Si le taux de l’intérêt vient à tomber à 4 p. 100, il y a bien des chances pour que le profit lui-même descende à ce niveau. Si distinct qu’il soit de l’intérêt du capital, le profit a une tendance à en suivre les fluctuations, à monter avec lui, à descendre avec lui. Ce n’est qu’en apparence ou temporairement que le bas taux de l’escompte est favorable aux commerçants et aux industriels ; il provoque, en effet, un redoublement de concurrence qui réduit les profits.

De toutes les observations qui précèdent il résulte que la tendance très-nette de notre civilisation est de réduire les profits industriels, de même que l’intérêt des capitaux, et de faire disparaître les énormes gains qui étaient habituels autrefois. Ce n’est pas qu’il ne doive se rencontrer toujours des exceptions, des bénéfices considérables, dus soit à une situation particulièrement favorable, soit à des circonstances heureuses, soit à la spéculation, soit même à la rare habileté d’un directeur d’entreprises ; mais ces exceptions deviennent chaque jour moins nombreuses et, si nous pouvons ainsi parler, plus exceptionnelles. Réduisant les risques, restreignant la part du hasard, fournissant plus de concurrents grâce à une instruction plus répandue, à un goût ou à un besoin plus général d’occupation, il est naturel que la civilisation rende les bénéfices industriels et commerciaux plus faibles et plus uniformes. Ces remarques doivent s’entendre d’une situation normale et non des périodes de transformation brusque et totale de l’outillage du monde comme la période qui s’est écoulée de 1840 à 1863 ou même à 1873.

Il importe maintenant de rechercher quelle est l’influence de l’ensemble des causes que nous groupons sous le nom de civilisation moderne sur la situation respective des différentes classes d’industriels et de commerçants, sur les petits, les moyens et les grands entrepreneurs. On fait, en général, à cette question une réponse catégorique : la civilisation est à l’avantage de la production faite en grand, non pas qu’elle accroisse les bé-