Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/396

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dans notre Europe, pour la liberté des personnes, du travail et des échanges, trois libertés qui ne sont pas encore complètes, pour l’habileté industrielle que l’éducation et l’instruction se proposent d’accroître, pour les capitaux aussi que les modes perfectionnés d’épargne et un goût plus général pour l’économie tendent à augmenter dans des proportions de plus en plus grandes.

L’influence de la civilisation est surtout sensible sur l’organisation et les méthodes de travail, ainsi que sur le mode de rémunération de la main-d’œuvre. On peut donc admettre, sans plus ample examen, que la civilisation développe considérablement la productivité du travail de l’ouvrier et qu’ainsi elle a une tendance à élever sa rémunération.

Il est un point sur lequel on doit s’arrêter en particulier, c’est celui qui concerne l’influence de la civilisation sur la liberté personnelle de l’ouvrier. On a vu que la hausse des salaires peut avoir pour causes d’abord l’augmentation des capitaux, l’accroissement de la productivité du travail de l’ouvrier, accroissement qui peut avoir d’autres motifs que l’augmentation même du capital ; qu’encore la hausse des salaires peut venir de ce que les situations respectives de l’ouvrier et du patron, au point de vue des lois et des mœurs, se sont modifiées, si bien que l’un de ces copartageants soit devenu plus fort vis-à-vis de l’autre qu’il ne l’était auparavant. Ce point est important, il a été très-négligé jusqu’ici.

Le salaire est un contrat qui intervient entre deux personnes dont les intérêts, tout en étant identiques quant au fond, sont cependant en antagonisme sur un point spécial. Il n’y a pas d’opposition fondamentale entre l’intérêt permanent du salarié et l’intérêt permanent de celui qui paie le travail ; l’un et l’autre doivent désirer que l’industrie prospère, ce qui n’est possible qu’avec une certaine modération des prix. Il n’en est pas moins vrai que l’ouvrier et le patron sont l’un relativement à l’autre dans la situation du vendeur et de l’acheteur, le premier cherchant à se faire payer le plus possible, le second à payer le moins possible. Ils auraient tort à coup sûr l’un et l’autre de