Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/449

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un axiome ce prétendu accroissement du paupérisme, en se dispensant commodément de donner la preuve d’une proposition aussi surprenante.

Revenons maintenant à l’examen de l’influence de la civilisation : 1° sur le taux des salaires ; 2° sur les loisirs ; 3° sur la salubrité du travail ; 4° sur les garanties contre la vieillesse et les maladies ; 5° sur les chances qu’a l’homme sans fortune de s’élever dans l’échelle sociale.

Il est survenu dans la société française 30 millions de travailleurs nouveaux de fer et d’acier, dépensant seulement 1 centime et demi par heure, pour le charbon, pour les frais d’amortissement, pour l’intérêt ; produisant énormément et consommant peu. Quel a été l’effet, sur la destinée générale des Français, de la collaboration presque gratuite de ces 30 millions d’ouvriers inanimés (1,500,000 chevaux vapeur), triplant la force de la population active de la France ? Il semble que chacun des 10 millions de Français adultes du sexe masculin ait ainsi à son service trois esclaves de fer qui ne réclament pour nourriture qu’un peu de houille[1].

L’ensemble de la société a pu être affectée de trois manières par ce phénomène propre à notre siècle ; trois résultats ont pu se manifester : 1° un accroissement proportionnel des loisirs et du bien-être de l’ouvrier : 2° une augmentation nouvelle de la production, particulièrement de celle des objets de luxe ou de demi-luxe, la seule qui soit indéfiniment extensible ; 3° une augmentation de la population.

En général ces trois effets se sont développés simultanément et se sont combinés ; les proportions de cette combinaison ont beaucoup varié suivant les pays. En Belgique, en Allemagne même, c’est l’accroissement de la population qui a été la conséquence principale du développement de la puissance productive de l’humanité. Dans les autres pays d’Europe, la plus grande partie des progrès industriels s’est résolue, non

  1. Nous avons, néanmoins, dans un précédent chapitre, prouvé que ces calculs, quoique matériellement vrais, sont, quant aux conséquences qu’on en tire, exagérés.