Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/105

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les théories de Ricardo ou de Malthus, si ce n’est des abstractions scientifiques qui n’ont qu’une portée pratique actuellement insignifiante ?

Quoi de plus notoire en France que l’inexactitude actuelle de notre vieux cadastre qui date en moyenne d’un demi-siècle ? Et ces inexactitudes ne tiennent pas à ce que l’opération a été primitivement mal faite, elles ont pour causes les altérations considérables qu’a amenées dans la valeur relative des terres une multitude de faits postérieurs au cadastre. Ainsi dans beaucoup de départements les terres classées lors du cadastre dans les dernières classes donnent aujourd’hui les plus gros revenus. Les observations de M. Hippolyte Passy sont péremptoires sur ce point : « Dans les départements les plus riches et les mieux cultivés, dit-il, la distinction entre les terres des trois premières classes du cadastre ne répond plus aux faits actuels, et il est des terres sableuses, récemment défrichées qui, transformées en peu d’années en excellents fonds, donnent maintenant des rentes de la plus haute élévation. » Voilà certes une grave objection à la théorie de Ricardo dans un vieux pays comme la France qui compte vingt et quelques siècles de civilisation, certaines terres que l’on n’a songé à mettre en culture que dans le courant de ce siècle deviennent les plus productives. Ailleurs l’écart qui existait autrefois entre le revenu net des différentes classes de terres tend à se combler, les terres réputées jadis les meilleures n’augmentent que faiblement en revenu, les autres, au contraire, ayant fait d’énormes progrès. Laissons encore la parole à M. Hippolyte Passy : « Voici quelle a été la progression des fermages dans plusieurs communes des départements de l’Eure et de l’Oise, suivant les classes de terres adoptées par le cadastre à des époques dont la plus ancienne n’excédait pas vingt-trois ans, en 1829[1], (époque où nous avons constaté les faits et établi une moyenne) :

  1. La 2e édition du livre de M. Hippolyte Passy, est de 1852.