Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/262

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terrompue de 1870 à 1873, a repris à partir de cette dernière année son cours naturel.

Pour revenir au sujet de cet ouvrage qui traite de la répartition des richesses et de l’inégalité des conditions, quel est l’effet de la baisse du taux de l’intérêt sur la distribution des fortunes et des revenus, sur la situation respective des différentes classes de la nation, enfin sur le bien-être de l’humanité ?

Il y a sur ce point deux doctrines différentes s’appuyant chacune sur de grands noms d’un côté, la doctrine de Turgot formulée dans une superbe image qui est devenue classique en France et que l’on retrouve avec des commentaires élogieux dans la plupart de nos ouvrages d’économie politique d’après Turgot, la baisse du taux de l’intérêt est un bien sans mélange. Tout autre est la doctrine de la plus grande partie de l’école économique anglaise, d’Adam Smith, de Mac Culloch et de quelques économistes allemands, Roscher entre autres une baisse trop considérable du taux de l’intérêt est, d’après eux, un mal social. Stuart Mill n’accepte complètement aucune de ces deux opinions, et tout en raisonnant à peu près comme Adam Smith, comme Mac Gulloch et Roscher, il conclut autrement qu’eux.

Chacun connaît la superbe image de Turgot : « On peut le regarder (le taux de l’intérêt), dit Turgot, comme une espèce de niveau, au-dessous duquel tout travail, toute culture, toute industrie, tout commerce cessent. C’est comme une mer répandue sur une vaste contrée les sommets des montagnes s’élèvent, au-dessus des eaux et forment des îles fertiles et cultivées. Si cette mer vient à s’écouler, à mesure qu’elle descend, les terrains en pente, puis les plaines et les vallons paraissent et se couvrent de productions de toute espèce. Il suffit que l’eau monte ou baisse d’un pied, pour inonder ou pour rendre à la culture des plages immenses. C’est l’abondance des capitaux qui anime toutes les entreprises et le bas intérêt de l’argent est, tout à la fois, l’effet et l’indice de l’abondance des capitaux. »

Ainsi, d’après Turgot, la baisse du taux de l’intérêt amènerait un surcroît d’activité et de production.