Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/13

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parées au doux visage de Marguerite, et la neige de ses cheveux blancs, le faisaient ressembler à l’hiver attardé près d’une rose printanière.

Parmi les jeunes clercs, Jean se faisait remarquer par sa beauté et son élégance, son air était grave et même un peu triste. On s’étonnait de le voir marcher sans lever indiscrètement les yeux sur les jolies femmes, comme il en avait l’habitude. Tout entier à la pensée de Marguerite, il écoutait avec bonheur les éloges qu’on donnait de tous côtés à la beauté et à la piété de Marguerite, et en même temps il en était jaloux, car il aurait voulu être seul à l’admirer.

Cependant Marguerite parut, elle portait une robe de brocard blanc et bleu ; une couronne d’épis d’argent mêlée de bluets se mêlait aux boucles de ses cheveux, qu’un long voile de dentelle cachait à demi. Jamais Marguerite n’avait paru plus belle, une expression de tendresse et de mélancolie donnait à son regard un attrait irrésistible.

La fête s’acheva, et le banquet lui succéda dans la salle improvisée au milieu des prairies. Cependant, malgré l’étiquette, Jean trouva le moyen de se placer près de la jeune présidente de la fête.

Vers la fin du repas, lorsque le tumulte succéda à la réserve qui avait régné d’abord, et que l’attention des convives était attirée par les toasts qu’on allait porter, Jean, saisissant un instant où personne ne le regardait, prit la coupe d’argent, où buvait Marguerite, et la porta avec ardeur à ses lèvres.

Cette hardiesse, inaperçue de tous, n’avait pas échappé à celle qui en était l’objet.

Peu après, Marguerite fut appelée à faire raison d’un toast qu’on venait de porter en son honneur, n’ayant aucun prétexte pour s’en dispenser, elle hésita, rougit, et prit la coupe que Jean venait de presser si amoureusement de ses lèvres ; mais à peine en eut-elle touché les bords,