Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/25

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toile nous a conservé l’image ne sont, depuis longtemps, qu’une vaine poussière dispersée aux quatre vents du ciel.

Dans la chambre suivante, je retrouve la place ou j’ai vu mourir mon père. Sur la cheminée, se trouve un paysage en tapisserie, en le regardant je me rappelle que chaque point d’aiguille a été marqué pour moi par une douleur et une angoisse mortelle.

Ce fut dans la chambre voisine que je revins après avoir vu expirer ma mère. Accablée de fatigue et de douleur, je m’assoupis avec le sentiment de mon malheur. Quel sommeil ! et surtout quel réveil ! Il aurait bien mieux valu pour moi ne me réveiller jamais.

Je redescends au jardin, le petit berceau qui le terminait et où je m’asseyais avec ma mère a été détruit. Ce fut près de là que je plantais les premiers dahlias ; cette fleur est pour moi l’objet d’un triste et doux souvenir, elle évoque une blanche et mélancolique figure, ombragée de cheveux blonds, et dont le regard de grands yeux bleus semblait lire dans ma pensée. À cette heure, que son âme n’habite plus la terre, elle lit encore bien plus profondément dans la mienne.

Tout cela n’existe plus pour moi qu’à l’état de souvenir ; toute ma famille a disparu, je suis la dernière de mon nom, qui ne sera plus tracé que sur ma tombe.

Quand j’interroge le passé, je me demande où s’en vont tant de générations disparues dans ce monde inconnu, dans cet océan, sans port et sans rives, qu’on nomme l’éternité. Ah ! combien nous avons besoin d’espérer et de croire en présence de l’infini.