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À gauche, voilà son portrait ; de l’autre côté, celui de mon aïeul, revêtu de son costume de magistrat. Sur la cheminée se trouve le portrait de Rouget de l’Isle, entouré de sa Marseillaise ; c’était après 1830, et je me rappelle avec quel enthousiasme on chanta l’hymne nationale à la fin d’une de mes soirées. Voici la grande glace où j’ai vu se réfléchir tant de charmantes et joyeuses figures les soirs de bal ; il n’existe plus aucune de ces jeunes femmes, le vent de la mort les a emportées comme l’aquilon qui disperse indifféremment les roses du printemps et le feuillage jauni des bois. Il y a encore là des tableaux au crayon, et des broderies, ces frêles ouvrages qui ont survécu aux jeunes mains qui les ont créés.

À l’étage supérieur, je retrouve la chambre où j’ai passé presque toute ma vie, voilà la place où mon père et ma mère s’asseyaient au foyer. Près de la fenêtre, je revois la belle et blonde figure de la première amie qui fut longtemps mon guide et mon appui. Nous avons passé là bien des semaines, des mois et des années, travaillant ensemble et nous confiant mutuellement nos sentiments et nos pensées. Elle aussi n’existe plus depuis longtemps. J’ai failli mourir dans cette chambre, et, dans une agonie mortelle, j’ai vu deux fois le prêtre assis à mon chevet.

Il y a aussi dans cette chambre des portraits de famille ; l’un d’eux, qui date de 1652, représente un vieillard : une inscription latine demande pour lui des prières. Il y a quelque chose de touchant dans la dernière demande de cet homme, mort depuis plus de deux siècles, adressée aux générations qui lui ont succédé. Plus loin, un autre portrait, d’une date bien plus récente, représente un des descendants du vieillard portant le costume du temps de Louis XIV ; il y a aussi un portrait de femme d’une grande beauté, ses cheveux sont à la Sévigné, et sa robe est de brocart vert. C’était une Madeleine Leroyer, qui, malgré sa beauté, ne se maria point. Tous ceux dont la