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Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/44

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« Permettez-moi de conserver ce portrait, dit-il à Rose ; lorsque je serai loin de vous, il me rappellera que c’est ici que j’ai trouvé des heures de calme et de consolation que je n’espérais plus.

— Puisque vous êtes bien ici, dit Rose, pourquoi n’y resteriez-vous pas.

— Parce que, reprit tristement Donatien, l’état moral de l’âme dépend bien moins des lieux qu’on habite que de l’attraction sympathique des cœurs qu’on y rencontre. Voilà pourquoi je préfère à tous les pays du monde celui où je vous ai rencontrée.

— Puisqu’il en est ainsi, c’est un motif de plus pour y rester, car ma mère ne veut plus retourner dans le monde, je partage son sentiment à cet égard, et jamais notre amitié ne vous fera défaut.

— Vous le croyez, ma chère Rose, parce que vous ignorez les orages du cœur, il viendra un jour où l’amitié vous paraîtra un sentiment bien faible comparé à une affection d’une autre nature. Ah ! puissiez-vous ne pas éprouver les plus cruelles déceptions.

— Mais, je suis bien à l’abri, dit Rose, de ces sentiments orageux dont vous me parlez, et ce n’est pas dans cette retraite que je puis craindre de les éprouver.

— Mais vous n’y resterez pas toujours, reprit Donatien, tôt ou tard vous retournerez dans le monde, dont vous serez le plus bel ornement.

— Jamais, interrompit Rose, trop de souvenirs me rattachent ici ; d’ailleurs, je ne me séparerai jamais de ma mère, dont je suis maintenant le seul appui.

— Ah ! ma chère Rose, qui de nous peut assigner un but à sa destinée, jamais et toujours sont des mots qui devraient être bannis de notre langue, car ils ne s’appliquent qu’à des illusions. »

Cette conversation, qui fut interrompue par Mme Barton, laissa dans l’âme de Rose un sentiment d’indicible tris-