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tesse. De ce moment, elle vécut dans la crainte d’entendre Donatien annoncer son départ dont la présence presqu’à son insu était devenue nécessaire à sa vie. Il y avait entre eux des rapports si intimes de sentiments et de pensée que leur séparation paraissait impossible.

Au commencement de l’hiver, les amis de Mme Barton l’engagèrent à revenir à Nantes, mais Rose s’y refusa, préférant à la ville sa chère solitude. Mme Barton fut charmée de ce refus ; Donatien s’en montra heureux et résolut de passer l’hiver à Saint-Sébastien.

Les derniers jours de l’automne avaient permis de faire quelques promenades au bord de la mer ; mais lorsque les vents impétueux eurent emporté les dernières feuilles, et que les mugissements des vagues de l’Océan dominèrent le cri mélancolique du grillon, hôte familier du foyer, il fallut se renfermer dans les appartements.

Au dehors, la neige tombait lentement, les oiseaux accouraient chercher la nourriture que Rose leur distribuait sur sa fenêtre. Le rouge-gorge seul rappelait par son chant plaintif les douces soirées de l’automne et du printemps.

Dans cette solitude, embellie par la présence d’un ami, Rose oubliait le temps, l’heure et le monde entier. L’isolement, en effet, ne consiste-t-il pas dans l’absence d’un cœur qui comprenne le vôtre, et celui de Donatien n’était-il pas le fidèle interprète des sentiments de Rose.

Vers le milieu de l’hiver, Rose, cédant aux instances de sa mère consentit à faire de la musique pour la première fois depuis la mort de sa sœur. Elle ne put retenir ses larmes en exécutant les mélodies qu’elles avaient tant de fois répétées ensemble.

Donatien avait un remarquable talent sur le violon, il le révéla, quoiqu’il n’en eût jamais parlé, en accompagnant Rose, qui vit avec surprise que l’émotion de Donatien n’était pas moins grande que la sienne.