Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/49

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— Et pourquoi seriez vous parti ? reprit Rose ; moi aussi, je vous ai aimé sans le vouloir, sans le savoir, et depuis ma raison est venue confirmer ce sentiment que mon cœur ressent profondément et que votre caractère justifie.

— Que dites-vous, ma chère Rose, vous oubliez que ma vie antérieure vous est inconnue, et lorsque vous la connaîtrez vous me retirerez peut-être ce sentiment dont je suis si heureux aujourd’hui.

— Ne le croyez pas, dit Rose, quel que soit ce passé, je l’accepte ; car désormais rien au monde ne peut m’empêcher de vous aimer.

— Mais si ce passé était de nature à m’éloigner de vous, je fuirais au bout du monde et je serais seul malheureux.

— Il est trop tard, reprit Rose, et votre malheur serait partagé.

— S’il en est ainsi, reprit Donatien, je serais aussi coupable qu’infortuné, puisque je serais venu apporter le trouble et le malheur dans votre vie. Mais le temps et l’absence amèneraient l’oubli et plus tard vous feriez sans doute un choix plus heureux.

— Jamais, dit Rose, mon cœur ne se donne pas deux fois.

— Puisqu’il en est ainsi, reprit Donatien, je ne serais pas digne d’une affection aussi dévouée si je n’y répondais par une entière confiance, vous saurez tout, j’écrirai pour vous cette triste révélation, que je n’ai pas la force de vous faire. Et lorsque vous connaîtrez ce funeste passé, je lirai dans votre premier regard ce que je dois espérer ou craindre, et si vous devez me condamner ou m’absoudre. »

Deux jours après, Donatien remit à Rose un manuscrit contenant le récit suivant.