Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/55

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ne jamais aller dans le monde, dans la crainte d’y rencontrer le comte de Varennes, mais elle me témoigna le désir de vivre dans la retraite.

Je suis persuadé que ses promesses étaient sincères, mais peu à peu le désœuvrement et l’attrait des plaisirs la ramenèrent dans ce monde qu’elle avait juré de fuir.

Depuis son duel, le comte de Varennes était devenu plus à la mode que jamais, toutes les femmes se le disputaient ; Azélie ne put se résoudre à se voir enlever cette conquête. Cédant au double attrait de l’amour et de la jalousie, elle revit le comte en secret, quoiqu’elle feignît d’éviter les réunions où elle pouvait le rencontrer. Je n’eus d’abord que de faibles soupçons qu’Azélie ne tenait pas ses promesses. J’épiai avec soin toutes ses démarches, et quoiqu’elle ne m’en témoignât rien, cette surveillance lui devint odieuse.

Depuis son départ pour l’Espagne, Ambrosio nous avait écrit assez fréquemment. Lorsqu’il apprit l’issue fatale de mon duel avec le comte, il se hâta de revenir. Il se montra fort sensible à la douleur d’Azélie, il offrit de partager ses soins, et me témoigna une affection inaccoutumée.

Cependant, au moment où j’étais désespéré des médecins, soit que mon âme, sur le point d’être dégagée des liens du corps, eût acquis plus de lucidité, ou soit par une intime intuition, il me sembla que, Ambrosio, loin de souhaiter mon rétablissement, désirait intérieurement ma mort. Peut-être espérait-il qu’Azélie, devenue veuve et désabusée de la fantaisie qu’elle avait eue pour moi, consentirait à l’épouser. Sans doute, il regrettait la fortune de l’oncle Mendoce, qu’il eût possédée en devenant l’époux d’Azélie, et même qui lui fût échue tout entière sans l’existence de cette dernière.

On disait qu’en Espagne il avait été sur le point d’épouser l’héritière d’une des plus riches familles de ce pays, mais que les parents de la jeune personne, qui le