Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/66

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impossible, et ce qui rend cette absence plus terrible, c’est le silence de la tombe et le manque de nouvelles de l’absent. Ces cruels déchirements de l’âme, Rose les avait éprouvés à la mort de sa sœur, maintenant le caractère de son chagrin n’avait plus la même nature et lui semblait léger comparé aux douleurs du passé.

Quelque pénible que fût l’absence de Donatien, elle pouvait le rappeler d’un mot, et déjà par le désir, et l’espoir elle devançait l’époque fixée par son retour. Cependant les doutes, qui l’avaient si cruellement tourmentée, revenaient sans cesse à sa pensée ; elle hésitait entre la crainte de trouver Donatien coupable et l’espérance d’obtenir un jour la conviction de son innocence.

Pendant ce temps, Donatien errait dans les sites les plus sauvages de la Bretagne. Loin de calmer les agitations de son âme, la solitude les avait augmentées. Plus que jamais il se croyait coupable du meurtre d’Azélie. Il n’avait que trop pressenti les soupçons et les incertitudes de Rose. Il se disait que maintenant son amour n’était plus que de la pitié, et que le don de sa main ne serait plus qu’un acte de dévouement et un généreux sacrifice. Devait-il l’accepter ? Pouvait-il offrir à Rose la main d’un homme qui, peut-être s’était trempée dans le sang d’une femme qu’il avait jadis adorée ? Non, sans doute, il devait fuir à jamais, Rose l’oublierait ; elle pourrait aimer encore et trouver le bonheur dans une autre union. À cette pensée, la nature indomptée et violente de Donatien se réveillait avec plus de force que jamais, et il sentait que la mort de Rose lui aurait paru préférable, et qu’il aurait eu le courage de la poignarder de sa main plutôt que de lavoir appartenir à un autre. Désormais il ne pourrait trouver le bonheur même dans l’amour de Rose dont il aurait toujours suspecté la tendresse et la sincérité. Dans les profondes ténèbres de son âme troublée, nul rayon d’espoir, nulle sécurité ne se montraient à lui, ni au ciel, ni sur la terre.