Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/179

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blait plutôt céder à un sentiment de curiosité d’elle-même.

Je me rendormis pendant un temps inappréciable, puis je fus rappelé aux contingences par l’air frais de la porte qui venait de s’ouvrir. Un personnage entra en qui j’eus tout d’abord de la peine à reconnaître le professeur Tornada. Il était mis d’une blouse enserrant sa maigre personne ; sa toison abondante était récoltée dans une gaine en toile blanche encapuchonnant en même temps, à la façon d’une cagoule, le sommet de son individu ; il n’avait de découvert, en somme, que son visage où les yeux étaient animés d’une mobilité si singulière que ce fut à cela que je le dépistai.

D’un geste brusque, il fit approcher l’infirmière, qui s’en vint rougissante. Il lui caressa le visage, puis :

— Sais-tu que tu es très gentille, ma petite... Allons ! je suis content de moi. On dira : « Ce Tornada, c’est décidément un as ! »

Après quoi, il l’expédia d’un autre commandement muet.

C’est à partir de cette minute que j’entre véritablement dans l’irréel. Maintenant que je trace ces mémoires d’une invraisemblable période de mon existence, la main m’en tremble encore d’émotion.

Tornada répéta sur moi la caresse qu’il avait faite à l’infirmière et, comme à elle, il me déclara :

— Et toi aussi, ma chérie, tu seras très belle !

Ce geste, ces mots m’inquiétèrent. Ayant maintenant retrouvé tous mes esprits, j’appréciai qu’il devait traverser une crise mentale qui, en fait, n’était pas impossible, étant donné les signes de dérangement qu’il avait déjà manifestés devant moi. La prudence la plus élémentaire me conseillait donc de procéder doucement avec un fou. Je lui dis le plus cordialement possible :

— Je vous demande pardon, docteur, mais