Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/180

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vous devez vous tromper. Je suis M. Georges Sigerier, le peintre que vous avez rencontré chez nos amis les Variland, et je ne porte rien en moi, je présume, qui vous permette de me mettre au féminin.

— C’est là votre erreur, riposta-t-il, en ricanant. Vous portez en vous tout ce qu’il faut, puisque voilà huit jours que je vous ai mis au féminin.

Lubie invétérée, commentai-je, et laissons-la lui, puisqu’il y tient. Mais que cela ne m’empêche pas de tâcher d’en tirer des renseignements sur ma présence dans sa maison, et pour quel événement dans ma santé on a bien pu avoir recours à sa science, sans que ma volonté soit intervenue.

— Voilà huit jours que je suis ici, docteur ?

— Exactement.

— J’ai donc dû être très malade pour rester aussi longuement sans connaissance !

— Pas du tout, vous étiez l’homme le "mieux portant du monde. J’ai même rarement constaté un organisme aussi parfaitement sain que le vôtre.

— Alors ?

— Alors, quoi ?

— Puisque je n’avais rien...

Il jouit un instant de mon incompréhension, en roulant autour d’un de ses doigts les tortillons de sa barbe qu’il venait de délivrer de son enveloppe. Puis il déclara :

— Vous n’aviez rien, physiquement parlant. Mais vous étiez atteint d’une manie à laquelle j’ai voulu donner satisfaction en vous mettant au féminin, comme vous le disiez tout à l’heure.

— Ce qui signifie ?

— Que vous étiez un homme, et que j’ai fait de vous une femme.

Ah ! mais... il était encore, plus piqué que je ne l’imaginais !... Causer avec un homme qui vous débite d’un air tranquille des propos insen-