Aller au contenu

Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devant le miroir que brandissait le savant. Je revécus une seconde nos étreintes ; je réentendis nos cris d’amour... Quoi ! le sinistre personnage avait tué tout cela, et l’enterrait sous cette dénomination grotesque !

— Mignonne !... vous allez voir si je suis mignonne ! ... m’écriai-je, exaspéré, en voulant bondir hors du lit, pour me payer l’ivresse de sentir craquer sa gorge sous mes doigts.

Hélas ! mes doigts étaient longs et délicats ! je n’avais plus la force du mâle qui terrasse l’ennemi ! ... et, du reste, mon pansement me rivait à ma couche... Pauvre créature de faiblesse que j’étais devenu, ma révolte sombra dans des sanglots.

— Ne vous désolez donc pas ainsi !... me consola Tornada. Vous verrez qu’il y a du bon dans votre nouvelle anatomie !... Vous-même, du reste, en conveniez. Vos idées sont-elles donc changées, parce que je vous fais cadeau du sexe que vous souhaitiez ?

— Oh ! ce n’est pas cela... soupirai-je, avec un désir d’être plaint, comme les femmes en éprouvent après les larmes.

— Alors, quoi ?... Sont-ce les complications ?... Ne vous inquiétez pas : j’ai tout arrangé. Est-ce l’amour ? On aime aussi bien étant femme qu’étant homme ; et j’ai sur ce point tout prévu également Ah ! certes, ce ne sera plus la même chose... au début, cela vous déroutera peut-être un peu... et, du reste, si vous saviez comme les liaisons purement psychiques sont préférables aux autres ! ... comme elles épargnent du chagrin, de la jalousie, du ressentiment, de la haine quelquefois, toutes conséquences forcées des basses satisfactions de l’instinct !... vous n’êtes plus un animal, vous êtes une espèce de demi-déesse !... vous voguez dans l’azur de la tendresse : que voulez-vous de mieux ?

Il paraphait son langage de gestes éthérés,