Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/184

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mais je ne l’écoutais plus. Je n’en avais retenu qu’une phrase, importante pour mon amour, et une question me brûlait. Je la soumis :

— Vous avez tout arrangé, disiez-vous ?

— Oui. J’ai fait prévenir vos amis, tous vos amis, que vous partiez pour un long voyage, afin de recueillir une succession aux Indes... qu’ils n’eussent pas à s’inquiéter, que vous leur écririez. .. cela vous sera facile... convenez que je suis gentil... J’ai ajouté qu’en votre absence, votre sœur...

— Mes proches amis savent que je suis enfant unique !

— Cela n’a aucune espèce d’importance. Il y a des mystères dans les familles, et vous en arrangerez un. J’ai donc ajouté que votre sœur viendrait en votre absence prendre possession de votre garçonnière de la rue du Général-Foy, et même de votre atelier de la rue Lepic, en prétextant qu’elle était, comme vous, un peintre de talent. Vous pourrez ainsi continuer a satisfaire vos goûts... Suis-je assez gentil ?...

Je convins qu’il avait pour moi des attentions touchantes. Ma révolte était tout à fait tombée, et à peine, par une vague répercussion de mes anciennes rancunes viriles contre qui m’avait nui, à peine m’étonnai-je de la facilité avec laquelle j’acceptais mon sort. Je ne subissais pourtant plus cette influence mystérieuse qui, émanant de Tornada, avait agi sur moi le soir où il m’avait entraîné pour commettre son attentat. Oui, je pouvais, je devais avoir confiance en un génie qui vous escamotait le genre avec autant d’aisance et de sécurité. Et cette confiance m’encouragea à lui poser d’autres questions, d’autant que Tornada m’apparaissait pour le moment redevenu normal, que son attitude était grave et réfléchie, qu’on pouvait, en un mot, causer avec lui.

— Monsieur le professeur, lui dis-je, c’est une